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«  Celui qui a eu la chance de voyager dans les pays d’Asie et de visiter leurs nombreux sites bouddhiques sait que dans les temples du Theravâda (en pâli, ‘l’École des Anciens’), c’est le ‘Bouddha historique’ Shâkyamuni qui est au centre. C’est lui qui, en tant qu’homme, a trouvé la vérité, et tout homme est invité à suivre ses traces. Aucun autre bouddha n’est nécessaire ni utile. C’est pourquoi il n’y a pas de ‘panthéons’ bouddhique installés dans ces centres. En revanche, ce sont précisément ces ‘panthéons’ qui frappent les visiteurs des temples du Mahâyâna, né cinq siècles après la disparition du ‘Bouddha historique’.

 

La doctrine des ‘trois corps’ du Bouddha

Comment cette différence fondamentale s’explique-t-elle ? D’abord, il faut savoir que les textes les plus anciens, tout en affirmant que le Bouddha Shâkyamuni était le bouddha pour notre monde et notre époque, reconnaissaient l’existence d’autres bouddhas : des bouddhas du passé et de l’avenir, ainsi que d’innombrables bouddhas qui ‘peuplent’ les myriades d’univers parallèles dont parle la cosmologie bouddhique. Les mahayanistes ont donc voulu comprendre ce qu’était la véritable nature du Bouddha.

Pour rendre compte de l’essence même du Bouddha au-delà de sa figure humaine, le Mahâyâna a élaboré la doctrine des ‘trois corps’ du Bouddha. Shâkyamuni n’était qu’une manifestation de ce qu’on appelle ‘le corps de la loi’ (Dharmakâya), la nature parfaite et inconditionnée du Bouddha. Les hommes, imparfaits et conditionnés, ne peuvent y accéder qu’à travers une manifestation, une apparition, appelée le ‘corps de métamorphose’ (nirmâna-kâya). Enfin, un troisième corps du Bouddha, le ‘corps de jouissance’ (sambhoga-kaya), rayonnant de lumière, exprime, à travers diverses marques représentées dans l’iconographie bouddhique, le fruit des actes méritoires accomplis par un bouddha au cours de toutes ses vies antérieures.

 

Au-delà des divergences…

Cette théorie des ‘trois corps du Bouddha’, très complexe, a entraîné une quantité de spéculations, parfois très abstraites, sur la nature du Bouddha. Ici, pour nous, l’essentiel est de montrer comment, avec ces distinctions, les mahayanistes ont pu commencer à intégrer des ‘panthéons’ bouddhiques à leur pratique, tout en affirmant qu’ils étaient en continuité avec l’ancienne tradition dans laquelle de tels ‘panthéons’ n’ont pourtant aucun sens. C’est pourquoi on peut, par exemple, trouver de nombreux ‘temples des Mille Bouddhas’ dans les pays où le Mahâyâna est présent (y compris en France). Selon les mahayanistes, il s’agit simplement de rendre plus explicite la véritable nature du Bouddha Shâkyamuni, sans nier l’importance de son existence humaine, ni celle de ses enseignements. Mais le bien-fondé de cette démarche n’est pas évident pour tout le monde, et surtout pas pour ‘l’École des Anciens’. »

 

Dennis Gira, Le Bouddhisme en 50 clés, Bayard, 2009, pp. 104-105

« Pas plus que celui de ‘souffrance’, le mot ‘désir’ ne faisait partie du vocabulaire du Bouddha. Il vaudrait peut-être mieux employer le mot ‘soif’ pour traduire le terme que l’on trouve dans les textes (tanhâ) et résister à la tentation de le banaliser en se disant qu’on sait ce que c’est que d’avoir ‘soif’. En effet, ni vous ni moi (même en traversant la vallée de la Mort aux États-Unis !) n’avons jamais vraiment connu la soif, et pourtant nous avons eu envie de boire. Or, c’est loin d’être la même chose. On n’a vraiment soif que lorsque toutes les cellules du corps commencent à mourir par manque d’eau. Une personne dans cette situation ne peut plus penser qu’à boire, et tout son comportement en est radicalement modifié. Dire que le ‘désir’ est à l’origine de la souffrance n’exprime donc pas bien à quel point l’homme est prisonnier de cette ‘soif’. Mais une deuxième chose est encore plus importante. C’est que le ‘désir’ (la ‘soif’), qui est source de la souffrance, vient d’une manière de penser enracinée dans l’ignorance, d’une vision erronée du monde et de l’homme. Et cette erreur, cette ignorance spirituelle, nous l’avons déjà vu, c’est essentiellement la conviction – celle de chacun, sauf des êtres éveillés – que l’on peut échapper au caractère éphémère de toute chose ; d’où la ‘soif’ de s’affirmer, l’attachement aux choses, aux idées, aux personnes et surtout à soi-même. Le problème de fond, c’est que tout ce à quoi l’homme s’attache est une illusion qui ne peut en aucun cas servir de base à un comportement vraiment libérateur. »

 

Dennis Gira, Le Bouddhisme à l’usage de mes filles, Le Seuil, 2000, pp.70-71

« Alors, où peut se cacher ce ‘soi permanent’ qui serait à l’abri des changements constants qui caractérisent toutes les forces psychiques et physiques décrites dans le cadre des cinq ‘agrégats’. (…) Il est vrai que la plupart des visions non bouddhistes du phénomène de l’homme proposent l’idée d’une âme ou d’un principe spirituel individualisé. Cette ‘âme’ gouvernerait en quelque sorte le tout et continuerait à exister même après la désagrégation, au moment de la mort, des aspects matériels et psychiques de l’individu. Selon les bouddhistes pourtant, cette affirmation est tout à fait gratuite et reflète davantage nos désirs illusoires que la réalité. Pour eux, toutes sortes de ‘cris du cœur’ jaillissent ainsi de l’attachement à l’existence de ce ‘soi permanent’ et montrent à quel point l’homme est prisonnier de cette illusion : ‘JE veux ceci !’ ‘J’ai raison !’ ‘VOUS avez tort !’ ‘C’est le MIEN’… Et ce ‘je’ est beaucoup plus qu’un pronom qui désignerait la combinaison d’agrégats dont parlent les bouddhistes.

(…) Le ‘je’, comme tous les autres phénomènes, est, selon la terminologie bouddhiste, ‘conditionné’. Il est nécessaire de dire ici que ce terme n’a aucune relation avec le chien de Pavlov qui, lui, est ‘conditionné’, mais à réagir d’une manière bien déterminée dans des circonstances bien définies. (…) Si j’en parle ici, c’est parce que la première fois que certains de mes étudiants entendent ce mot ‘conditionné’ ou le lisent dans des livres sur le bouddhisme, ils pensent à ce pauvre chien. En réalité, dire que tout être est ‘conditionné’, c’est simplement une autre manière d’affirmer que rien n’existe en soi, c’est-à-dire que rien n’existe indépendamment de l’ensemble des phénomènes qui constituent le monde dans lequel se trouve l’individu. »

 

Dennis Gira, Le bouddhisme à l’usage de mes filles, Seuil, 2000, pp. 95-97

« Selon l’explication classique, l’homme, c’est-à-dire l’individu, n’est qu’une combinaison de forces ou d’énergies physiques et psychiques entremêlées et en perpétuel changement. (Cette combinaison qui existe à dix heures, par exemple, et que nous appelons Paul, ne sera pas la même à dix heures plus une minute.) Les forces en question sont divisées en cinq groupes ou ‘agrégats’, pour utiliser le terme employé habituellement pour traduire un mot technique des textes anciens. Ce qui nous intéresse ici, c’est de voir quelles sont les diverses forces qui constituent l’individu et la raison pour laquelle un individu ainsi composé ne peut être ni permanent ni avoir d’existence propre (c’est-à-dire d’existence indépendante des autres existences). (…)

Le premier groupe comprend tout ce qui, dans l’individu, est d’ordre matériel. C’est la ‘corporéité’. Il s’agit des quatre grands éléments – la terre, l’eau, le feu, le vent – qui symbolisent la solidité, la liquidité, la chaleur et le mouvement. Ce groupe comprend également la matière dérivée, comme les organes sensoriels (par exemple, l’œil et le nerf optique) et les objets de ces organes (la couleur, la forme que l’œil voit). La question qui se pose est la suivante : ‘Est-ce qu’il y a quelque chose dans ce groupe qui ne soit pas impermanent, c’est-à-dire qui ne soit pas constamment en train de changer ?’ La réponse est ‘non’ (…). Il n’y a pas une seule cellule de notre corps, par exemple, qui ne se modifie à chaque instant qui passe. L’hypothèse de l’impermanence tient bon jusque-là.

Le deuxième groupe est celui des sensations. Les bouddhistes font un inventaire de toutes les sensations imaginables – agréables, désagréables ou neutres – qui résultent du contact des organes physiques avec leurs objets (le froid par exemple, qui résulte du contact de la peau avec l’eau du torrent). Parmi ces sensations, pensez-vous qu’il puisse y avoir quelque chose de permanent ? Encore une fois, il n’est pas besoin de réfléchir trop longtemps pour comprendre que la réponse ne peut être que ‘non’. Toute sensation dépend d’un organe matériel et ne peut donc pas échapper à l’impermanence qui caractérise tout ce qui est matériel. Vous entrevoyez là comment et pourquoi tout est interdépendant dans la vision bouddhiste des choses.

Quand nous arriverons au troisième groupe, c’est-à-dire à l’agrégat des perceptions, nous ne trouverons rien non plus qui puisse contredire la position bouddhiste concernant l’impermanence. En effet, toute perception, qui est en quelque sorte le fait de ‘nommer’ une sensation, dépend d’une manière ou d’une autre de cette sensation. Les notions de couleur, de son, d’odeur, de saveur…, et toutes les images mentales, changent selon les circonstances dans lesquelles se produit le contact entre un organe sensoriel et un objet. Vous en avez fait l’expérience mille fois. Pensez à la chaleur de cet été à Las Vegas : elle vous accablait au sortir des lieux à air conditionné. Pourtant, cette ‘chaleur’ vous aurait semblé rafraîchissante si vous l’aviez comparée à celle dont vous avez fait l’expérience le jour où nous nous sommes promenés quelques minutes dans le désert de la vallée de la Mort, il y a une dizaine d’années. Ce n’est donc pas dans cet agrégat non plus qu’on peut trouver quelque chose de permanent.

Ensuite il y a l’agrégat de la ‘volition’ ou des compositions psychiques. Il comprend tout acte volontaire, toute impulsion, toute émotion consciente ou refoulée. Ici encore, tout est toujours en train de se modifier parce que tout dépend, directement ou indirectement, des organes sensoriels, des sensations et des perceptions.

Enfin, il y a l’agrégat de la conscience ou de la connaissance. Il serait peut-être plus exact de parler des consciences, car dans le bouddhisme, pour chaque organe, il existe une conscience : la conscience de l’œil, la conscience de l’oreille, etc. On place également la conscience ou la connaissance mentale dans ce groupe. Vous serez peut-être tentées de chercher là, dans la conscience, ce qui échappe à l’impermanence. Or c’est là, en réalité, que l’homme est, pour ainsi dire, le moins permanent. Car les données innombrables qui entrent dans la conscience à travers les contacts avec le monde, les diverses sensations… font qu’elle se modifie elle aussi à chaque instant. »

 

Dennis Gira, Le bouddhisme à l’usage de mes filles, Seuil, 2000, pp. 92-95

 

Bonjour à toutes et à tous,

A l’approche des vacances, certains regrettent parfois que le dojo cesse ses activités en juillet / août.
Dans son ouvrage The essence of zen (Existe en français, mais la traduction n’encourage guère à la lecture.), Sekkei Harada parle des deux aspects du zen: zen in stillness et zen in activity. Le zen tel qu’on le pratique dans le dojo (ou ailleurs) et le zen dans l’activité quotidienne.

Essence_du_zen

Les vacances constituent le moment idéal pour une retraite, qui inclut ces deux aspects de la pratique, mais aussi une excellente occasion de découvrir ce deuxième aspect trop souvent négligé. Or la voie spirituelle n’existe pas si nous n’incluons pas le zen dans notre vie quotidienne.

La première caractéristique (condition) d’une vie spirituelle (quelle que soit la tradition envisagée, bouddhiste ou non, religieuse ou non) me semble être la capacité d’entrer en intimité avec soi-même. Ce qui n’est pas nécessairement évident pour tout le monde.

Être intime avec soi-même suppose d’être à l’écoute de soi. Mais ‘être à l’écoute de soi’ ne veut pas dire suivre ses envies du moment. Être à l’écoute de soi, au sens d’être intime avec soi-même, c’est être simplement présent à soi-même comme nous pouvons être présent à l’autre, sans autre intention que « d’être là », sans projet, sans évaluation, sans recherche de solution, sans jugement, mais avec bienveillance. Dans l’intimité avec soi-même, l’autre c’est nous.

Il n’est pas de lieu ni de moments où on ne peut cultiver cette intimité-là. C’est une pratique que nous pouvons emmener à la plage ou à la montagne, seul ou en famille, au musée ou au concert. Idéal pour les vacances, non?

Je voudrais vous recommander un petit ouvrage qui peut vous aider, de manière concrète et pratique, à développer cette pratique en dehors du dojo: Thich Nhat Hanh, Commencer à méditer, POCKET (4,69 €). Dix chapitres très courts (s’arrêter, respirer, s’asseoir, une pièce de respiration, inviter la cloche, le gâteau dans le réfrigérateur, créer un autel, la méditation de la bonté aimante, cuisiner et manger, dormir) qui constituent un petit manuel du ‘comment pratiquer chez soi’.

Commencer_à_méditer

Je vous conseille aussi la lecture de deux autres livres, le premier destiné à approfondir notre compréhension du zen, le second destiné à ceux qui aimeraient s’y retrouver un peu mieux dans les écoles, les concepts, l’évolution du bouddhisme en général :

– Kôshô Uchiyama, Ouvrir la main de la pensée, Méditer dans le bouddhisme Zen, Eyrolles (18 €). Enfin une traduction de cet ouvrage d’un des grands maîtres contemporains qui ‘va droit au cœur de la pensée du Zen’.

ouvrir_la_main_de_la_pensée

– Dennis Gira, Le bouddhisme en 50 clés, Bayard, (17,50 €). Pour ceux qui ont parfois du mal avec les concepts d’arhat, de bodhisattva, nature de Bouddha, Trikaya, etc. : . Didactique donc clair, aucun pédantisme intellectuel, comportant de nombreuses citations (courtes) des canons Theravada et Mahayana / Vajrayana, cet ouvrage a l’avantage d’être rédigé par un grand connaisseur du bouddhisme, lui-même non-bouddhiste et donc libre de toute approche « sectaire ».

Bouddhisme_50_clés

J’espère avoir le plaisir de vous retrouver d’ici la fin du mois, et, bien entendu le 5 juillet, à l’occasion de la prise de rakusus de six d’entre nous qui sera un des grands moments de cette année 2014.

Je vous souhaite en tous les cas de très belles vacances,

Michel

 

 
 

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