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« Depuis plusieurs années, j’ai une pratique que je trouve très efficace pour le travail avec la colère : une fois par semaine, je consacre une journée entière à pratiquer ce que j’appelle « la non-manifestation d’émotions négatives ». Depuis l’instant où je me réveille jusqu’au moment où je m’endors, je fais l’effort conscient de ne pas exprimer d’émotions négatives, extérieurement ou intérieurement. Il ne s’agit pas d’un nouveau diktat pour inciter à avoir un comportement vertueux ; en fait, son efficacité n’a rien à voir avec la morale. Si cette pratique est tellement efficace, c’est parce qu’elle permet de voir la racine même de la colère. Comme je suis particulièrement attentif à ne pas exprimer de colère, il y a de grandes chances pour que mon attention intervienne dès l’instant où un sentiment négatif fait mine d’apparaître. Je vois donc ainsi le point charnière où, en temps normal, je pourrais choisir de croire mes pensées, alimentant ainsi l’expression de la colère. Je peux aussi choisir de ne pas m’attacher à la pensée, niant ainsi sa solidité, sa véracité. Je pratique la non-identification au « moi » – avec ses désirs et ses jugements – en pénétrant dans un sentiment plus vaste de l’instant. C’est là que je peux demeurer directement dans les manifestations physiques de la colère, dans la nature même de la colère. Parfois, à ce moment-là, la colère se dissout rapidement, laissant très peu de résidus.

Il m’est arrivé récemment d’être arrêté par un policier pour n’avoir pas marqué suffisamment longtemps un stop. Je me suis aussitôt senti prêt à bondir pour me défendre avec une vertueuse indignation. J’ai senti la chaleur m’envahir et le début d’une poussée d’adrénaline…, puis je me suis souvenu que c’était ma journée de non-manifestation d’émotions négatives. Immédiatement, j’ai vu à quel point je souhaitais défendre mes pensées, mon « moi ». J’ai aussi ressenti une peur sous-jacente, la peur de perdre le contrôle. J’ai ressenti dans mon corps ce qui se passait au fond, et j’ai choisi de changer d’attitude. Quand le policier a commencé à me verbaliser, j’ai même pu être aimable avec lui.

Si nous voyons clairement comment la colère surgit du simple fait que la vie ne correspond pas à nos représentations, il n’est pas difficile de la lâcher. Ce qui est difficile à lâcher, c’est notre désir d’être en colère ! Mais cette pratique hebdomadaire permet de comprendre ce qu’il est possible de faire. Nous voyons que notre colère vient de nos représentations non réalisées et de notre désir de justifier notre réaction. Nous voyons aussi que, quand la colère surgit, nous ne sommes pas obligés de l’exprimer, ni même de la justifier, en défendant les pensées auxquelles nous croyons.

Il arrive que l’on s’imagine qu’il faut être en colère pour s’engager dans la vie. On peut penser que certaines situations exigent que l’on prenne position et que, sans colère, on n’agirait pas. Ainsi, quand nous sommes témoins d’une injustice flagrante, la colère n’est-elle pas le catalyseur des mesures que nous allons prendre pour remédier à la situation ? Si nous n’étions pas en colère, qu’est-ce qui nous motiverait à apporter des changements positifs ?

Du point de vue de la pratique spirituelle, la colère n’est jamais justifiée, même si nous sommes sûrs d’être dans notre bon droit. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas agir quand la situation l’exige. Cela veut dire que nous pouvons parfaitement agir sans l’aspect négatif de la colère. Tant que nous alimentons cette négativité en croyant ce que disent nos pensées, nous nous empêchons d’agir avec une vision claire des choses. Tant que nous sommes poussés par la puissante énergie négative de la colère, nous fermons notre cœur à double tour. Dans la plupart des cas, nous sommes encore entre les griffes de la peur, qui nous fait considérer la vie – sous les traits d’une personne, d’un groupe ou d’une institution – comme l’ennemi. Cette attitude nous enracine fortement dans un sentiment étriqué du « moi ». Quand nous justifions ainsi notre colère, nous avons complètement perdu la vue d’ensemble, notre unité fondamentale. »

Ezra Bayda, Vivre le Zen, Marabout, 2014, pp.120-123 ; Trad. de l’anglais : J. Schut

 

« En général, quand la colère se manifeste, nous suivons simplement l’une des deux voies que l’on nous a apprises pour y faire face.
Dans le premier cas (…) nous refoulons notre ressenti. (…) Il n’est pas rare que des méditants répriment maladroitement leur colère pour essayer de correspondre à une image idéale d’eux-mêmes, fruit de leur conditionnement. Pourtant, que nous contournions les difficultés et fassions diversion par la méditation, la nourriture ou la télévision, refouler notre colère au point de ne plus en avoir conscience ne nous en libère pas. Elle continue à nous marquer de son empreinte en s’infectant de l’intérieur, comme une blessure mal soignée. Que ce soit sous la forme d’une maladie, d’une dépression, d’une agressivité passive ou d’une explosion de rage, un jour ou l’autre elle ressortira.
Dans le second cas, plus courant, nous traitons la colère en l’exprimant : soit intérieurement, en ruminant notre mécontentement ou en nous complaisant dans notre indignation ; soit extérieurement, en blâmant les autres. Le problème est qu’en exprimant la colère, d’une manière ou d’une autre nous croyons à notre réaction et à toutes les justifications qui l’accompagnent. Nous sommes déterminés à avoir raison et à gagner, même si c’est seulement dans notre tête.
Que nous réprimions notre colère ou que nous l’exprimions, dans les deux cas nous n’y voyons jamais clair et nous ne faisons pas vraiment l’expérience directe de son ressenti. Même quand nous sommes au beau milieu d’une colère librement exprimée, nous sommes rarement en contact avec son énergie. Nous nous délectons tellement en croyant à la véracité de nos pensées et en blâmant les autres que nous ne ressentons pas pleinement la colère. Mieux : l’une des fonctions de cette réaction semble consister à nous permettre d’éviter de faire face à ce qui se passe vraiment. Que cherchons-nous à éviter ? Peut-être des émotions plus douloureuses encore… une blessure, un chagrin. Peut-être les peurs profondément enracinées qui sous-tendent presque toujours notre colère. Il est tellement plus facile d’être en colère – surtout quand on peut s’en délecter – que blessé, peiné ou effrayé. Il n’est guère surprenant que nous passions tellement de temps à nous complaire dans la colère ! Pourtant, même quand nous sentons l’énergie et le plaisir d’être en colère, d’avoir raison, nous fermons la porte à la vie et enfermons notre cœur. »

Ezra Bayda, Vivre le Zen, Marabout, 2014, pp. 111-113. Trad. de l’anglais : J. Schut

« La pratique consiste à apprendre à vivre à partir de  notre nature véritable, c’est-à-dire avec un cœur ouvert. Nous devons apprendre à pratiquer en gardant à l’esprit cette vue d’ensemble et en observant ce qui fait obstacle à notre unité fondamentale. Qu’est-ce qui nous sépare de notre cœur ouvert ? Qu’est-ce qui ferme les portes à la vie ?

Il nous arrive souvent de perdre la vue d’ensemble. Le but de la pratique n’est pas de se sentir mieux mais d’apprendre et de voir. Nous devons voir à l’intérieur de notre propre fonctionnement, voir la façon dont nous nous vidons de notre énergie à cause de nos réactions et de nos stratégies habituelles. Nous devons apprendre à arrêter ces fuites d’énergie pour ne pas nous retrouver sans cesse épuisés par le quotidien.

Quand la colère nous saisit, par exemple, nous nous coupons systématiquement de la vue d’ensemble et de notre sentiment d’unité fondamentale. Si nous pouvions voir clairement nos réactions émotionnelles de colère, nous réaliserions qu’elles nous épuisent et amoindrissent notre vie. Nous verrions qu’il s’agit d’une forme d’aversion de la vie qui nous sépare et nous enferme.

Pourtant, bien que la colère nous fasse autant de mal qu’à ceux auxquels elle s’adresse, nous nous accrochons à cette émotion étouffante avec une ténacité déconcertante. Alors même que nous infligeons de la peine aux autres, tout en nous vidant de notre énergie, alors même que notre vie devient étriquée, mesquine et centrée sur nous-mêmes, nous continuons à nous complaire dans des pensées et des comportements de colère avec un entêtement qui défie le bon sens.

Que nous dit vraiment la colère ? Quand la vie ne va pas comme nous le voudrions, nous réagissons. Si nous avons des espérances, nous nous attendons à ce qu’elles se concrétisent. Si nous avons des exigences, nous insistons pour qu’elles se réalisent. Si nous avons des souhaits très forts, nous ne serons pas satisfaits tant qu’ils n’auront pas été exaucés. Bien que la vie soit neutre, qu’elle ne fasse rien pour entrer dans le cadre de notre vision particulière des choses, nous continuons à croire qu’elle devrait aller dans le sens de nos attentes. Et quand ce n’est pas le cas, la colère surgit, sous une forme ou une autre.

Je ne parle pas seulement des grosses explosions. Même les jours où tout va à peu près bien, nous laissons subtilement notre énergie se dissiper dans la colère, du matin au soir. Notre colère peut prendre la forme de l’impatience si nous sommes arrêtés par un feu rouge. Elle peut prendre la forme de l’agacement si la télécommande de la télévision ne fonctionne pas. Elle peut prendre la forme de l’arrogance si je suis à l’heure et qu’un autre arrive en retard. Elle peut prendre la forme de la frustration si mon équipe perd. Elle peut prendre la forme de l’indignation s’il me semble que l’on me néglige ou si je ne me sens pas apprécié.

La plupart du temps, nous ne voyons même pas que la colère épuise notre énergie, que notre vie en devient étriquée, que nous perpétuons notre souffrance en insistant pour que la vie aille comme nous le voulons. En général, quand la colère se manifeste, nous suivons simplement l’une des deux voies que l’on nous a apprises pour y faire face. »

 

Ezra Bayda, Vivre le Zen, Marabout, 2014, pp.109-111. Trad. de l’anglais : J. Schut

 

(suite aux attentats terroristes de Paris, le 13/11/2015)

Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.

Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.

Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.

Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.

Antoine Leiris sur FB

 

  1. LA COLÈRE CRÉE NOTRE PROPRE MONDE !

Il y a quelques années, je suis partie à Gand suivre un cours de Tai-Chi avec une amie. La première fois, nous avions pris sa voiture, et… curieusement, tous les chauffards étaient de sortie ! Queues de poisson, coups de klaxon, bras d’honneur, injures malgracieuses… Elle avait raison, la route était un enfer ! Je n’avais jamais vu cela ! La semaine suivante, nous avons pris mon propre véhicule : et là, tout doux, tout calme. Rien à signaler. La route était de velours, aucune anicroche sur le trajet… J’ai alors réalisé que mon amie avait toujours des routes pleines d’ornières et de butors… Et j’en ai conclu que probablement, son élément étant une colère permanente, elle attirait, comme un aimant, tous les rustres… Alors que ma récente transformation/métamorphose, me permettait de naviguer dans un monde beaucoup plus amène et souriant…

Une superbe histoire soufie le résume ainsi :

« À vingt ans, je n’avais qu’une seule prière : « Mon Dieu, aide-moi à changer le monde, ce monde insoutenable, invivable, d’une telle cruauté, d’une telle injustice. » Et je me suis battu comme un lion. Au bout de vingt ans, peu de choses avaient changé. Quand j’ai eu quarante ans, je n’avais qu’une prière : « Mon Dieu, aide-moi à changer ma femme, et mes enfants, et ma famille », et je me suis battu comme un lion pendant vingt ans, sans résultat. Maintenant je suis un vieil homme et je n’ai qu’une prière : « Mon Dieu, aide-moi à me changer » et voilà que le monde change autour de moi. » Cité par Christiane Singer.

 

  1. ÊTES-VOUS SÛR(E) D’AVOIR RAISON ?

Je me suis, moi-même, rendue parfaitement ridicule, il y a deux ou trois ans. Ce fut ma dernière colère … enfin, jusque là !!! Attention, cela ne veut pas dire que je ne ressens plus jamais de colère ! Non, la colère est encore une émotion que je connais, bien sûr, mais elle ne dégringole plus en trombe sur mes interlocuteurs. Et c’est incontestablement, une visiteuse qui espace ses tournées… Ouf ! Ce n’est plus une invitée en tout cas !

Je change de téléphone fixe. Achète un nouveau combiné sans fil[*], élégant, fonctionnel, tout biau ! Je rentre chez moi, l’installe… las ! Rien à faire : pas de tonalité ! Je retourne au magasin d’électroménager. Interpelle un vendeur, suis baladée entre quelques personnes, je sens la colère monter. On refuse de me changer l’engin : on me soutient que toutes les prises téléphoniques ont désormais deux lamelles et non quatre – je pensais avoir décelé la raison de la défectuosité –, on me traite un peu gentiment, comme une demeurée, puis avec condescendance… ce qui exaspère mon côté féministe ! Puis comme je commence à taper le scandale, on m’emmène au service après-vente, où on me remet strictement le même appareil… donc à 2 lamelles… Grrr ! Arrive un gentil monsieur du magasin, très courtois. « Que se passe-t-il ? » Je raconte. « Vous habitez loin ? » « Non, à deux pas… » « Si vous voulez, je viens vous l’installer chez vous ? » Ma colère tombe. Le gentil vendeur m’accompagne, on parle de menues choses. Il installe le combiné. Me tend l’appareil. Tout est parfait, ça fonctionne ! ? Je réalise alors que je n’avais pas branché la prise électrique, juste la prise téléphonique (à deux lamelles !)… Ça ne risquait pas de marcher ! Honte sur moi, je suis confuse ! Je me répands en excuses pitoyables. « Ce n’est rien, Madame, ça peut arriver »… Puis, je m’écroule de rire !!! Qu’on est sot(te) parfois dans ses colères !!!

Thich Nhat Hanh raconte une histoire beaucoup moins drôle, dans son merveilleux livre sur la colère. Un jour, un homme dut quitter sa maison pour une longue période. Avant son départ, sa femme était déjà enceinte mais il l’ignorait. À son retour, elle avait donné naissance à un garçon. L’homme douta que cet enfant fût le sien, et porta ses soupçons sur un voisin qui avait l’habitude de venir travailler chez lui. Il se mit à haïr l’enfant. Il voyait le visage de son voisin dans celui du petit garçon. Et puis, un jour, le frère de cet homme vint lui rendre visite pour la première fois. Quand il vit le petit garçon, il dit au père : « Il te ressemble comme deux gouttes d’eau ! La visite de son frère fut un événement heureux, parce qu’elle permit au père de se débarrasser de sa perception erronée. Mais celle-ci avait tenu le père sous son emprise pendant douze ans. Elle avait fait profondément souffrir cet homme, sa femme et, bien entendu, le petit garçon confronté à cette terrible haine.

 

Carole Braéckman http://www.lhibiscus.fr/La-colere-comment-la-lacher-ou-la.html

[*] Note de mai 2014 : cela fait quelques dix ans que je n’ai plus que des téléphones à fil ! Les filaires vrillent beaucoup moins la tête, et aident à garder les neurones alertes ! Moins de maux de tête, moins de trous de mémoire !…

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