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Andrew Olendzki, tricycle, printemps 2020

Le mot pali sati (smriti en sanskrit) est communément traduit par « pleine conscience », ce qui en français signifie simplement être conscient, comme lorsque nous disons : « Je suis conscient que nous sommes mardi ». Il peut également suggérer une prise de conscience ou une attention accrue, comme dans « Attention à ne pas casser cette assiette ». Ce sentiment est familier aux chercheurs en sciences sociales, qui remarquent qu’une grande partie de ce que nous faisons est faite de manière habituelle et sans grande conscience, alors que les études montrent qu’il est plus efficace de faire les choses de manière consciente que sans réfléchir.

L’utilisation bouddhiste de la pleine conscience comme pratique de méditation inclut ces deux sens, mais va plus loin en précisant que la conscience comprend également une attitude d’équanimité, qui ne favorise ni ne s’oppose à l’objet dont on a conscience. Lorsqu’on est conscient d’une sensation corporelle, par exemple, on ne l' »aime » pas si elle est agréable et on ne la « déteste » pas si elle est désagréable. On est simplement conscient de la sensation, avec une conscience accrue, mais sans aucune trace de désir positif ou négatif.

C’est cette capacité à séparer la conscience du réflexe commun de jugement continu qui peut être transformatrice. Le désir est la cause de la souffrance, dit la deuxième noble vérité, et la cessation du désir entraîne la cessation de la souffrance, selon la troisième. Nous pouvons en voir la vérité dans notre propre expérience, à chaque instant.

Lorsque nous voyons, touchons ou pensons à quelque chose de désirable, un désir se fait jour qui nous pousse à le saisir et à nous y accrocher avec ténacité, ou qui fait naître l’anxiété de le perdre. Et lorsque nous faisons l’expérience d’une chose que nous n’aimons pas ou même détestons, une forte impulsion à l’éviter, l’ignorer, l’agresser ou la détruire se manifeste et façonne nos réactions. Dans tous ces cas, nous éprouvons un désir fort ou subtil de vouloir que les choses soient différentes de ce qu’elles sont. Le mot bouddhiste pour cela est dukkha, qui nous est familier dans le monde moderne sous le nom de « stress ».

En pratiquant la pleine conscience, même dirigée vers quelque chose d’aussi ordinaire que la respiration, nous renforçons la partie de l’esprit qui est consciente de la façon dont les choses sont, tout en diminuant la partie qui est stressée parce que les choses ne sont pas comme nous voulons qu’elles soient. Il est sain d’accroître la prise de conscience, et encore plus sain de faire une pause dans le désir.

 

Andrew Olendzki est le directeur des études sur la pleine conscience à l’université de Lesley et chercheur principal à l’Integrated Dharma Institute.

L’Attention est une attention d’instant en instant à ce qui est. Étant donné que, sans le savoir, nous nous percevons nous-mêmes et le monde autour de nous à travers des schémas de pensée limités, habituels, et conditionnés par des croyances erronées, notre perception et notre conceptualisation mentale de la réalité sont dispersées et confuses. L’Attention nous apprend à suspendre temporairement tous ces concepts, images, jugements de valeur, commentaires mentaux, opinions et interprétations. Un esprit attentif est précis, pénétrant, équilibré et or-donné. Il est comme un miroir qui reflète sans distorsion tout ce qui se trouve devant lui.

Le Bouddha a souvent dit à ses disciples de « maintenir l’Attention en avant ». Par « en avant, » il voulait dire : dans l’instant présent. Le sens de cette phrase va plus loin  qu’observer simplement avec lucidité ce que fait l’esprit pendant que nous sommes assis en méditation ; cela veut dire comprendre clairement chacun des mouvements particuliers, physiques et mentaux, que nous effectuons chaque jour, au fil des heures. En d’autres termes, cela signifie : être ici, maintenant.

L’instant présent change si vite que nous ne nous rendons souvent pas du tout compte de son existence. Chaque instant mental ressemble à une série de photographies passant à travers un projecteur. Certaines images proviennent d’impressions sensorielles. D’autres viennent des souvenirs d’expériences passées ou d’imaginations concernant l’avenir. L’Attention nous aide  à « geler » l’image pour nous permettre de devenir conscients de nos sensations et de nos expériences telles qu’elles sont, sans la coloration déformante des interprétations socialement conditionnées ou des réactions dues aux habitudes.

Une fois que nous avons appris à porter attention sans commentaire à ce qui est exactement en train de se passer, nous pouvons observer nos sensations, nos émotions et nos pensées sans en être prisonniers, sans être emportés par nos schémas réactifs habituels. L’Attention nous donne ainsi le temps dont nous avons besoin pour prévenir et surmonter les schémas de pensée et de comportement négatifs et pour cultiver et maintenir les schémas positifs. Elle débranche le pilote automatique et nous aide à prendre le contrôle de nos pensées, de nos paroles et de nos actions.

De  plus,  l’Attention  mène  à  l’intuition, « Vision  intérieure » lucide et sans distorsion des choses telles qu’elles sont réellement. Si nous pratiquons régulièrement, à la fois dans des sessions de méditation formelles et pendant les activités de notre vie quotidienne, l’Attention nous enseigne à voir le monde et nous-mêmes avec l’œil intérieur de la sagesse. La sagesse est le couronnement de la Vision intérieure. Ouvrir l’œil de la sagesse est le but réel de l’Attention, car la Vision intérieure dans la véritable nature de la réalité est l’ultime secret de la paix durable et du bonheur. Nous n’avons pas besoin de le chercher à l’extérieur de nous-mêmes ; chacun de nous possède la capacité innée de cultiver la sagesse. Une histoire traditionnelle met ce point en évidence:

Il était une fois un être divin qui voulait cacher un important secret – le secret du bonheur. Il pensa d’abord à le cacher au fond de la mer. Mais il se dit alors : « Non, je ne peux pas cacher mon secret à cet endroit. Les êtres humains sont très intelligents. Un jour, ils le trouveront. »

Ensuite, il pensa à le cacher dans une caverne. Mais il rejeta également cette idée : « Beaucoup de gens explorent les cavernes. Non, non, ils trouveront également le secret à cet endroit. »

Ensuite, il pensa à le cacher sur la plus haute montagne. Mais il se dit alors : « Les gens sont si curieux à présent. Un jour, quelqu’un escaladera la montagne et le découvrira. »

Enfin, il imagina la solution parfaite. « Ah ! Je connais l’endroit où personne ne viendra jamais voir. Je vais cacher mon secret dans l’esprit humain. »

Cette divinité cacha la vérité dans l’esprit de l’homme. Maintenant, trouvons-la ! L’Attention n’a pas pour but d’apprendre quelque chose d’extérieur. Son but est de trouver la vérité cachée en nous – au cœur même de notre être.

Vénérable Gunaratana, Les huit marches vers le bonheur, Marabout, 2013, pp. 286-288

« L’attention juste (sati) est le fruit du samadhi[1]. Dans le samadhi, l’esprit parvient à apprécier toutes les choses en se focalisant sur elles. Dans l’attention juste, le sati, nous nous contentons simplement d’apprécier toutes les choses. Aucune concentration  particulière de l’esprit n’est nécessaire. L’attention juste est le miracle qui transforme chaque aspect de la vie.

La plupart des gens passent à côté du meilleur de leur existence, qui est à portée de leurs mains alors qu’ils sont occupés à faire autre choses. Nous arrivons à notre travail le matin après avoir traversé un certain nombre d’événements intéressants, voire même dangereux, comme de se frayer un passage dans une circulation intense, l’esprit ailleurs durant tout le trajet. Il s’est focalisé sur d’autres choses – emploi du temps, rêves, réminiscences, détente, etc.

L’attention juste consiste à harmoniser l’esprit avec le corps, et non l’inverse. En règle générale, quand nous allons quelque part, l’esprit y arrive avant le corps. Dans la pratique de l’attention juste, l’esprit reste là où se trouve le corps, et le corps demeure accaparé par l’esprit. Au début, cela implique de ralentir son rythme. Ainsi, l’attention juste, c’est être là, sans penser à rien de particulier. Elle ne se fixe pas sur des objets particuliers, mais elle demeure un samadhi : le samadhi du moment présent.

Quelle est la chose la plus importante que vous ayez à faire dans votre vie ? C’est celle que vous faites en ce moment même. Quoi que vous fassiez, si vous ne vivez pas pleinement ce moment, alors vous avez perdu une occasion qui ne se représentera jamais. Vécu pleinement, ce moment est un moment d’illumination complète. Si on le traverse dans un nuage, alors il ne s’agira que d’une autre période de brouillard.

Qui est la personne la plus importante dans votre vie ? C’est celle qui se trouve avec vous en ce moment même. Peut-être a-t-elle besoin de votre aide, ou de votre caractère paisible ? Peut-être a-t-elle besoin d’un mot de vous, ou bien de votre écoute ? Peut-être a-t-elle besoin que vous vous interdisiez toute intrusion dans sa vie ? Quels que soient ses besoins, cette personne est la plus importante de votre vie. C’est cela l’attention juste. »

 

David Brazier, Bouddhisme et psychothérapie, JC Lattès, 2000, pp. 84-85


[1] « Samādhi (sk . et pal.), … , jap. zanmai, sanmai: “recueillement”, “absorption méditative”. Terme générique qui distingue tout état de méditation profond obtenu après la stabilisation de l’esprit, lorsque celui-ci demeure focalisé sur un seul point ou sur un objet unique, et que les notions de « sujet » et d’ « objet » s’évanouissent. On ne peut donc plus parler vraiment de « concentration de l’esprit sur son objet » puisque seule demeure l’expérience méditative elle-même. L’état de samādhi mène au stade des différents dhyāna. » (Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Seuil, Paris, 20062, p. 499 – Note MD) Les quatre dhyāna correspondent à des stades de progression dans le samādhi.

Un négociant envoya son fils apprendre le secret du bonheur auprès du plus sage de tous les hommes. Le jeune garçon marcha quarante jours dans le désert avant d’arriver finalement devant un beau château, au sommet d’une montagne. C’était là que vivait le sage dont il était en quête.

Pourtant, au lieu de rencontrer un saint homme, notre héros entra dans une salle où se déployait une activité intense : des marchands entraient et sortaient, des gens bavardaient dans un coin, un petit orchestre jouait de suaves mélodies, et il y avait une table chargée des mets les plus délicieux de cette région du monde. Le sage parlait avec les uns et les autres, et le jeune homme dut patienter deux heures durant avant que ne vînt enfin son tour.

Le sage écouta attentivement le jeune homme lui expliquer le motif de sa visite, mais lui dit qu’il n’avait alors pas le temps de lui révéler le Secret du Bonheur. Et il lui suggéra de faire un tour de promenade dans le palais et de revenir le voir à deux heures de là. 
 »Cependant, je veux vous demander une faveur », ajouta le sage, en remettant au jeune homme une petite cuiller, dans laquelle il versa deux gouttes d’huile. « Tout au long de votre promenade, tenez cette cuiller à la main, en faisant en sorte de ne pas renverser l’huile. »

Le jeune homme commença à monter et descendre les escaliers du palais, en gardant toujours les yeux fixés sur la cuiller. Au bout de deux heures, il revint en présence du sage. 
 »Alors, demanda celui-ci, avez-vous vu les tapisseries de Perse qui se trouvent dans ma salle à manger ? Avez-vous vu le parc que le maître des jardiniers a mis dix ans à créer ? Avez-vous remarqué les beaux parchemins de ma bibliothèque ? » 
Le jeune homme, confus, dut avouer qu’il n’avait rien vu du tout. Son seul souci avait été de ne point renverser les gouttes d’huile que le sage lui avait confiées. 
 »Eh bien, retournez faire connaissance des merveilles de mon univers, lui dit le sage. On ne peut se fier à un homme si l’on ne connaît pas la maison qu’il habite. »

Plus rassuré maintenant, le jeune homme prit la cuiller et retourna se promener dans le palais, en prêtant attention, cette fois, à toutes les œuvres d’art qui étaient accrochées aux murs et aux plafonds. Il vit les jardins, les montagnes alentour, la délicatesse des fleurs, le raffinement avec lequel chacune des œuvres d’art était disposée à la place qui convenait.

De retour auprès du sage, il relata de façon détaillée tout ce qu’il avait vu. 
 »Mais où sont les deux gouttes d’huile que je vous avais confiées ? » demanda le sage. 
Le jeune homme, regardant alors la cuiller, constata qu’il les avait renversées. 
 »Eh bien, dit alors le sage des sages, c’est là le seuil conseil que j’aie à vous donner : le Secret du Bonheur est de regarder toutes les merveilles du monde, mais sans jamais oublier les deux gouttes d’huile dans la cuiller ».

Conte traditionnel adapté par Paulo Coelho

http://www.bonheurpourtous.com/botext/secretb.html

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