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Pour ceux d’entre nous qui pratiquons le Zen (zazen, étude, samu) dans notre vie quotidienne, nous serons tôt ou tard confrontés à la vieillesse, la maladie, la nôtre ou celle d’êtres aimés, et la proximité de la mort, la nôtre ou celle d’êtres aimés. Beaucoup de personnes disent : « J’ai dû arrêter la pratique car j’étais trop malade (trop occupée, trop bouleversée, etc.) ». Penser de cette façon signifie que la pratique est une partie ou un morceau de notre vie et non pas notre vie même. Pas un : deux. Mais la pratique de zazen n’est pas seulement une partie de notre vie (s’asseoir, lire des livres, faire des sesshins ou des retraites, écouter des enseignements), c’est notre vie même. C’est la plate-forme que nous avons choisie, la perspective nourrie par une pratique sincère qui nous offre une compréhension plus profonde de la vie dans son ensemble, la nôtre d’abord, et celle du monde, proche ou lointain, qui nous entoure. C’est une manière de vivre sa vie, un remède à la maladie de la vie (avidité, colère/haine, ignorance) : essayer de vivre avec une conscience latente ou manifeste de l’impermanence, l’interdépendance et la coproduction conditionnée.

Durant cette période où j’ai fait l’expérience d’une maladie grave et, parfois, d’une disposition naturelle d’abandonner la vie et de m’endormir dans la mort, j’ai réfléchi à ma vie en lien avec la pratique. Je ne me suis jamais sentie seule ou accompagnée ; je n’ai jamais non plus ressenti le manque de pratique ou l’absence de la sangha. J’étais malade, peut-être mourante parfois, c’est tout. Pas de « demande » d’aide au Bouddha, à Dieu ou à la sangha. Cela ne m’est pas venu à l’esprit. Je savais que beaucoup d’amis, la sangha, la famille étaient occupés à prier, à exprimer des vœux pour ma santé, à faire ce qu’ils pouvaient pour répondre à mes besoins, et cela, à n’en pas douter, m’a aidé à revenir à la vie. Un grand merci pour ces intentions dédiées. Chacun a fait ce qu’il lui semblait devoir être fait. C’est ainsi que l’univers fonctionne. Durant toutes ces journées à l’hôpital, la pratique s’imposait naturellement pour passer à travers tout cela, sans considération pour le passé ou l’avenir. Chaque respiration était suffisante en soi. Comme en zazen : juste être là, sans penser, et au-delà de la pensée sans pensée. Les bénéfices indicibles de notre zazen, au-delà de la pensée, sont une bonne pratique pour la vie et pour la mort.

Que l’on soit malade ou en bonne santé, jeune ou vieux, riche ou pauvre, stupide ou intelligent, noir, rouge, jaune ou blanc, religieux ou pas, ordonné ou pas, la vie est juste la vie, au-delà des catégories. Notre pratique est une Voie, un chemin karmique ou choisi, qui slalome à travers les joies et les obstacles de l’existence, avec un sentiment de libération lié au fait que nous ne cherchons pas délibérément celle-ci. Sur cette Voie, chaque moment, chaque circonstance ou situation offre une occasion de se libérer, car nous savons depuis le début que cette libération est au-delà de tout contrôle ou impossible à saisir avec l’esprit ou par nos efforts personnels. La pratique, la vie et l’éveil ne sont ni deux ni trois, mais juste Un. Dans notre volonté de saisir les choses (avidité), nous divisons, séparons ; et nous nous mettons en colère parce que, malgré tous nos efforts, notre vie, la vie même, ne se laisse pas mettre en équation. Tant d’illusion ! Quel dommage ! Mais nous ne sommes que des humains, et en tant que tels, nous devons poursuivre nos efforts. Cela est la pratique, la pratique sincère.

Miami, February 21, 2017

Kaikyo Roby (décédée le 9 novembre 2018)

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