You are currently browsing the tag archive for the ‘Jacques Scheuer’ tag.
« Qu’il s’agisse du mode de vie des disciples laïcs ou de la règle des moines et moniales, le bouddhisme pour sa part s’est montré moins intransigeant [que le jaïnisme] au plan des comportements, mais tout aussi attentif à l’intention ou à la disposition d’esprit dans laquelle nous agissons. Tant le style de vie que la panoplie des exercices spirituels doivent rappeler sans cesse la nécessité de lutter contre le désir ou la crainte, l’attachement ou la répulsion, et bien plus encore contre les multiples formes d’illusion qui provoquent et entretiennent les passions et, par voie de conséquence, la ‘souffrance’ ou le ‘mal-être’ (dukkha). Les Stances de la Loi (Dhammapada) le rappellent : le souci ou la peine découle de l’attachement à ce qui paraît agréable ou nous est cher :
Du chéri naît le souci, du chéri naît la crainte. Est-on libéré de ce que l’on chérit et l’on n’a plus de souci, pourquoi craindrait-on ? (212 ; trad. J.-P. Osier)
Les versets suivants vont dans le même sens : ‘De l’affection naît le souci…, du plaisir…, du désir amoureux…, de la soif…’ (213-216). Et cela, jusqu’à la libération intégrale.
On sait qu’il n’est ni possible ni souhaitable de définir le nirvâna, sinon en termes négatifs : c’est, littéralement, ‘l’extinction’ de la souffrance ou du mal-être, obtenue par l’extinction progressive – comme d’un feu qui n’est plus alimenté – de la convoitise ou de la répulsion ainsi que des illusions. On peut donc s’attendre à ce que s’apaisent progressivement les innombrables peurs provoquées et entretenues par notre convoitise sans cesse renaissante et par nos perceptions illusoires du monde, d’autrui et de nous-mêmes. Celui ou celle qui devient capable de voir sans trouble la réalité telle qu’elle est – à savoir : fragile, fugace, impermanente – remporte la victoire sur la peur et l’inquiétude :
Celui qui a mis en fuite le Roi de la Mort et son armée, tel un courant puissant qui emporte une digue de frêles roseaux, celui-là est victorieux, il s’est dompté lui-même. La peur ne reviendra plus jamais. Il atteint le but suprême, ainsi qu’une parfaite fermeté. (Theragâthâ ou Chants des Anciens VII).
‘Le nirvâna est absence de crainte’ (Therigâthâ ou Chants des Anciennes, p. 512). Celui ou celle qui se libère des images illusoires du moi, des constructions artificielles de l’ego, devient par là capable d’aider autrui à entrer dans son propre chemin de libération. Libre à l’égard de soi et du monde, le Bouddha est digne de la confiance que des disciples pourront mettre en lui. Délivré de la peur et de toute appréhension, il peut faire le don de l’absence de peur (a-bhaya-dâna) à tout être – homme ou animal – qu’il croise sur sa route ou qui s’approche de lui. Le sage est en effet à même de répondre sans pusillanimité comme sans zèle indiscret. Il offre protection et sécurité. Il inspire confiance. Le sage authentique n’est pas celui qui ‘multiplie les paroles’ : ‘pacifique, sans haine, sans peur, c’est celui qui a le nom de sage’ (Dhammapada 258). Auprès de lui, on peut, selon l’expression traditionnelle, trouver ou ‘prendre refuge’.
Cette disponibilité et cet accueil s’exprime par le geste (mudrâ : littéralement le ‘sceau’) du ‘don de l’absence de crainte’ : la main droite levée, paume ouverte vers celle ou celui qui s’approche. Nous avons là un des gestes fondamentaux qui scandent l’histoire de l’iconographie (hindoue et) bouddhique, à travers les siècles et dans la diversité des cultures.
Ce don – on peut également traduire par ‘offrande’ ou aumône’ – exprime la compassion bouddhique, vertu ou disposition inséparable de la sagesse. Ainsi, (…) si le Bouddha allait méditer seul dans les profondeurs terrifiantes de la forêt, ce fut sans doute d’abord pour affronter ses propres peurs et s’exercer à les surmonter ; par la suite, bien qu’il n’en éprouvât plus le besoin, ce fut pour exhorter ses disciples à faire de même. Ce qui animait le Bouddha, c’était la compassion pour ceux qui viendraient après lui. »
Jacques Scheuer, Peur et libérations des peurs selon les traditions de l’Inde, revues Vies consacrées n° 82, 2010/3 et Voies de l’Orient n° 136, juillet 2015
Site Internet : http://www.voiesorient.be
Dimanche 7 février2010
1ere diffusion de 11h00 à midi – rediffusion de 23h15 à minuit
Cette émission sera disponible en podcast ici pendant environ un mois.
Sujet principal : « Du Christ à Bouddha : vers une nouvelle synthèse ? »
En Europe, aujourd’hui, le bouddhisme est à la mode, c’est un fait évident. Mais ce qui l’est moins c’est que de nombreux chrétiens n’hésitent plus à faire un bout de chemin en direction de cette religion/philosophie orientale qui est pourtant, a priori, bien différente…
Ils sont de plus en plus nombreux à oser le voyage. Un voyage souvent immobile mais qui n’en n’est pas moins long et compliqué. Parfois, le voyage devient bien concret et on les voit alors s’envoler régulièrement vers le Japon ou l’Inde et s’en revenir avec les yeux qui pétillent et le cœur un peu plus léger. En tout cas, de plus en plus de religieux catholiques, hommes et femmes, n’hésitent plus à tenter l’expérience concrète du bouddhisme. Dans certains cas, il s’agit d’un intérêt documentaire et le but est d’apprendre des techniques inédites en chrétienté occidentale. Mais dans certains cas l’expérience va plus loin et elle renouvelle alors fondamentalement les modalités du cheminement spirituel. Depuis 50 ans, des religieux chrétiens tâtent le terrain mais ils n’ont pas toujours été compris de leur collègues ni de leur hiérarchie. En est-il autrement aujourd’hui ?
Avec Jacques Scheuer, SJ ; professeur d’histoire des religions asiatiques à l’UCL et auteur de « Un chrétien dans les pas du Bouddha » (ed. Lessius) ; Pierre-François de Béthune, moine bénédictin au monastère de Clerlande et auteur de « L’Hospitalité sacrée entre les religions » (ed. Albin-Michel 2007) Dennis Gira, directeur de l’Institut de science et théologie des religions (ISTR) de l’Institut catholique de Paris et auteur de « Le bouddhisme en 50 clés » (ed. Bayard)
Sujet secondaire – Conférence: « Carnaval : quand le passé fait la nique au présent » – Une rencontre avec Charles Henneghien.
Charles Henneghien est un photographe belge talentueux qui, depuis de nombreuses années, produit des livres de photos remarquables. Mais c’est aussi un conférencier hors pair. En ce moment, calendrier oblige, il tourne en Wallonie avec une conférence sur les carnavals d’Europe qui était également le sujet d’un des ses derniers livres. L’occasion de revenir sur ces festivités toujours extrêmement populaires – et pas qu’à Binche – qui font peut-être bien partie des derniers pieds de nez que la tradition immémoriale fait à notre présent hyper-moderne…
Charles Henneghien, » Les plus beaux carnavals d’Europe » Ed. CPE