« Ma mère vient de mourir au terme d’une longue bataille contre un cancer. Au cours de ses dernières semaines à l’hôpital, les médecins ont proposé de lui donner de la morphine pour qu’elle souffre moins mais ils m’ont aussi prévenu qu’il serait nécessaire d’augmenter les doses petit à petit et que cela finirait par la tuer. C’était à moi de prendre la décision. Je les ai autorisés à lui administrer de la morphine. J’aimerais savoir ce que les enseignements du Bouddha peuvent nous apporter à cet égard. S’agit-il d’un acte de compassion ou d’une transgression du vœu de ne pas tuer ? J’ai également rédigé mon propre testament de vie en demandant que, si jamais j’étais dans un état végétatif ou en phase terminale d’une maladie incurable, on n’ait pas recours à des moyens exceptionnels pour prolonger ma vie. J’ai aussi demandé à un ami proche de me prêter assistance en m’aidant à mourir si je me trouvais dans cette situation. Est-ce que ceci va de quelque façon à l’encontre des enseignements du Bouddha ? »

 

Geshe Tenzin Wangyal Rinpoche[1] : Quand vous accompagnez une personne en train de mourir, vous devez être attentif à tous ses besoins quels qu’ils soient. Votre présence peut être d’un grand secours pour la personne de sorte que vous devriez être aussi lucide que possible, et non préoccupé par ce qu’il convient de faire ou ne pas faire, vous devriez éviter de laisser vos opinions s’en mêler ou éviter d’agiter la personne en train de mourir de quelque manière que ce soit. Il convient d’être simplement disponible et de soutenir la personne en train de mourir dans ses choix.

Il est clair que votre intention était de soulager la souffrance de votre mère. Etant donné les circonstances – le fait qu’elle était en fait en train de mourir – administrer de la morphine pour soulager sa souffrance n’allait à l’encontre d’aucun des principes bouddhistes. Diminuer la souffrance de cette manière peut être un acte de bonté dans une situation où la personne mourante n’est pas en état de supporter la douleur sans que cela augmente sa détresse ou sa peur.

Naturellement, si quelqu’un est capable de gérer sa douleur sans avoir recours à des antalgiques, c’est préférable. La douleur peut être gérée jusqu’à un certain point. En tant que Bouddhistes, nous comprenons qu’être né humain, c’est expérimenter la douleur et que la douleur n’est pas simplement une situation à éviter. Notre force et nos orientations reposent sur la méditation et ceci peut nous aider à contrôler la douleur quand approche la mort. Ce dont il est souvent question, c’est plus de notre relation à la douleur que de la douleur elle-même.

Si vous êtes dans un état végétatif et maintenu en vie grâce à l’intervention de la technologie, demander à ne pas être maintenu en vie artificiellement, même si cela doit entraîner votre mort, ne va à l’encontre d’aucun principe bouddhiste. Refuser d’être maintenu artificiellement en vie, ce n’est pas se suicider. Cependant, si vous êtes en phase terminale d’une maladie, ce n’est pas la peine de précipiter votre fin. On a l’impression que c’est la peur et la non-acceptation qui vous motivent. Si vous êtes en phase terminale d’une maladie et allez mourir de toute façon, où est l’urgence ? Si vous arrivez à contrôler la douleur autant que faire se peut par la pratique et aussi par les antalgiques, l’approche de la mort peut être un moment précieux. Dans le processus de mourir, même les derniers moments peuvent être mis à profit de manière bénéfique et sont très importants pour votre développement spirituel.

Si vous êtes en train de mourir, faire face à la mort n’est plus simplement une idée abstraite. C’est le moment de lâcher-prise profondément et c’est un moment essentiel pour affronter vos peurs. La plupart du temps, nous n’avons pas l’occasion de le faire parce que nous ne ressentons pas nos peurs avec une telle intensité. Même en envisageant des façons de hâter la fin dans le cas d’une maladie en phase terminale, vous pouvez être en train de vous dire “Je ne veux pas de prise de conscience. Je veux seulement que cela aille vite et perdre conscience”.

Traditionnellement, on conseille, dans la préparation à la mort, de réfléchir plus en profondeur à l’impermanence. On sait que tout le monde meurt – les êtres éveillés, les yogis, les yoginis, les grands hommes, les gens célèbres, les gens ordinaires. Tout ce qui a été construit disparaît – toutes les villes qui existent aujourd’hui un jour ne seront plus là. Telle est la nature des phénomènes. Parfois nous craignons la mort comme s’il s’agissait d’une sorte de punition personnelle.

Ce n’est pas le cas. Tout le monde meurt. La connaissance profonde, directe et l’acceptation de l’impermanence constituent une liberté spirituelle, une liberté par rapport à la peur de mourir. (…)

Les quatre souffrances (la naissance, le vieillissement, la maladie, la mort) nous encouragent dans notre pratique. Les éviter ou les nier est contraire au Bouddhisme.

 

http://www.larbredeleveil.org/daishin/bulletin/spip.php?article379, d’après Buddhadharma, winter 2005

[1] Tenzin Wangyal Rinpoché, enseignant de la tradition Bouddhiste – Bön, fondateur de l’institut Ligmincha et de plusieurs centres dédiés à l’étude et à la pratique des enseignements de la tradition Bön. (d’après Wikipedia)

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