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« L’attention juste (sati) est le fruit du samadhi[1]. Dans le samadhi, l’esprit parvient à apprécier toutes les choses en se focalisant sur elles. Dans l’attention juste, le sati, nous nous contentons simplement d’apprécier toutes les choses. Aucune concentration  particulière de l’esprit n’est nécessaire. L’attention juste est le miracle qui transforme chaque aspect de la vie.

La plupart des gens passent à côté du meilleur de leur existence, qui est à portée de leurs mains alors qu’ils sont occupés à faire autre choses. Nous arrivons à notre travail le matin après avoir traversé un certain nombre d’événements intéressants, voire même dangereux, comme de se frayer un passage dans une circulation intense, l’esprit ailleurs durant tout le trajet. Il s’est focalisé sur d’autres choses – emploi du temps, rêves, réminiscences, détente, etc.

L’attention juste consiste à harmoniser l’esprit avec le corps, et non l’inverse. En règle générale, quand nous allons quelque part, l’esprit y arrive avant le corps. Dans la pratique de l’attention juste, l’esprit reste là où se trouve le corps, et le corps demeure accaparé par l’esprit. Au début, cela implique de ralentir son rythme. Ainsi, l’attention juste, c’est être là, sans penser à rien de particulier. Elle ne se fixe pas sur des objets particuliers, mais elle demeure un samadhi : le samadhi du moment présent.

Quelle est la chose la plus importante que vous ayez à faire dans votre vie ? C’est celle que vous faites en ce moment même. Quoi que vous fassiez, si vous ne vivez pas pleinement ce moment, alors vous avez perdu une occasion qui ne se représentera jamais. Vécu pleinement, ce moment est un moment d’illumination complète. Si on le traverse dans un nuage, alors il ne s’agira que d’une autre période de brouillard.

Qui est la personne la plus importante dans votre vie ? C’est celle qui se trouve avec vous en ce moment même. Peut-être a-t-elle besoin de votre aide, ou de votre caractère paisible ? Peut-être a-t-elle besoin d’un mot de vous, ou bien de votre écoute ? Peut-être a-t-elle besoin que vous vous interdisiez toute intrusion dans sa vie ? Quels que soient ses besoins, cette personne est la plus importante de votre vie. C’est cela l’attention juste. »

 

David Brazier, Bouddhisme et psychothérapie, JC Lattès, 2000, pp. 84-85


[1] « Samādhi (sk . et pal.), … , jap. zanmai, sanmai: “recueillement”, “absorption méditative”. Terme générique qui distingue tout état de méditation profond obtenu après la stabilisation de l’esprit, lorsque celui-ci demeure focalisé sur un seul point ou sur un objet unique, et que les notions de « sujet » et d’ « objet » s’évanouissent. On ne peut donc plus parler vraiment de « concentration de l’esprit sur son objet » puisque seule demeure l’expérience méditative elle-même. L’état de samādhi mène au stade des différents dhyāna. » (Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, Seuil, Paris, 20062, p. 499 – Note MD) Les quatre dhyāna correspondent à des stades de progression dans le samādhi.

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Bonjour à toutes et à tous,

A l’approche des vacances, certains regrettent parfois que le dojo cesse ses activités en juillet / août.
Dans son ouvrage The essence of zen (Existe en français, mais la traduction n’encourage guère à la lecture.), Sekkei Harada parle des deux aspects du zen: zen in stillness et zen in activity. Le zen tel qu’on le pratique dans le dojo (ou ailleurs) et le zen dans l’activité quotidienne.

Essence_du_zen

Les vacances constituent le moment idéal pour une retraite, qui inclut ces deux aspects de la pratique, mais aussi une excellente occasion de découvrir ce deuxième aspect trop souvent négligé. Or la voie spirituelle n’existe pas si nous n’incluons pas le zen dans notre vie quotidienne.

La première caractéristique (condition) d’une vie spirituelle (quelle que soit la tradition envisagée, bouddhiste ou non, religieuse ou non) me semble être la capacité d’entrer en intimité avec soi-même. Ce qui n’est pas nécessairement évident pour tout le monde.

Être intime avec soi-même suppose d’être à l’écoute de soi. Mais ‘être à l’écoute de soi’ ne veut pas dire suivre ses envies du moment. Être à l’écoute de soi, au sens d’être intime avec soi-même, c’est être simplement présent à soi-même comme nous pouvons être présent à l’autre, sans autre intention que « d’être là », sans projet, sans évaluation, sans recherche de solution, sans jugement, mais avec bienveillance. Dans l’intimité avec soi-même, l’autre c’est nous.

Il n’est pas de lieu ni de moments où on ne peut cultiver cette intimité-là. C’est une pratique que nous pouvons emmener à la plage ou à la montagne, seul ou en famille, au musée ou au concert. Idéal pour les vacances, non?

Je voudrais vous recommander un petit ouvrage qui peut vous aider, de manière concrète et pratique, à développer cette pratique en dehors du dojo: Thich Nhat Hanh, Commencer à méditer, POCKET (4,69 €). Dix chapitres très courts (s’arrêter, respirer, s’asseoir, une pièce de respiration, inviter la cloche, le gâteau dans le réfrigérateur, créer un autel, la méditation de la bonté aimante, cuisiner et manger, dormir) qui constituent un petit manuel du ‘comment pratiquer chez soi’.

Commencer_à_méditer

Je vous conseille aussi la lecture de deux autres livres, le premier destiné à approfondir notre compréhension du zen, le second destiné à ceux qui aimeraient s’y retrouver un peu mieux dans les écoles, les concepts, l’évolution du bouddhisme en général :

– Kôshô Uchiyama, Ouvrir la main de la pensée, Méditer dans le bouddhisme Zen, Eyrolles (18 €). Enfin une traduction de cet ouvrage d’un des grands maîtres contemporains qui ‘va droit au cœur de la pensée du Zen’.

ouvrir_la_main_de_la_pensée

– Dennis Gira, Le bouddhisme en 50 clés, Bayard, (17,50 €). Pour ceux qui ont parfois du mal avec les concepts d’arhat, de bodhisattva, nature de Bouddha, Trikaya, etc. : . Didactique donc clair, aucun pédantisme intellectuel, comportant de nombreuses citations (courtes) des canons Theravada et Mahayana / Vajrayana, cet ouvrage a l’avantage d’être rédigé par un grand connaisseur du bouddhisme, lui-même non-bouddhiste et donc libre de toute approche « sectaire ».

Bouddhisme_50_clés

J’espère avoir le plaisir de vous retrouver d’ici la fin du mois, et, bien entendu le 5 juillet, à l’occasion de la prise de rakusus de six d’entre nous qui sera un des grands moments de cette année 2014.

Je vous souhaite en tous les cas de très belles vacances,

Michel

 

 
 

Le pardon est le fruit de la compréhension. Ce n’est pas parce que vous voulez pardonner que vous pouvez le faire ! Vous pouvez avoir beaucoup de bonne volonté pour pardonner et cependant en être incapable parce que l’amertume est toujours là, la souffrance est toujours là. Avec la meilleure volonté du monde, vous n’y arrivez pas. Pour moi, le pardon devrait être le résultat du regard profond, de la compréhension.

Vous savez, pendant les années soixante-dix, quatre-vingt, nous avons reçu, à notre bureau de Paris, de très mauvaises nouvelles du Vietnam et des camps de réfugiés. Un matin, j’ai appris l’histoire d’une petite fille, une boat people[1] de onze ans. Elle avait été violée par un pirate, en mer, et lorsque son père a tenté de s’interposer, ils l’ont jeté dans l’océan. Après avoir été violée, la petite fille s’est jetée à l’eau et s’est noyée. Ce sont des nouvelles que nous avons reçues par courrier ce matin-là. Nous recevions fréquemment ce genre de nouvelles. J’étais fâché. En tant qu’être humain, vous avez le droit d’être fâché, mais en tant que pratiquant, vous n’avez pas le droit de ne pas pratiquer. Je ne pus avaler mon petit-déjeuner, c’était trop pour moi. J’ai pratiqué la méditation marchée dans le bois voisin. J’essayais d’entrer en contact avec les arbres, les oiseaux, le ciel bleu pour me calmer et j’ai commencé par m’asseoir et méditer. Pendant la méditation, je me voyais en petit garçon, en bébé, né dans la zone côtière de Thaïlande. Mon père était un pauvre pêcheur et ma mère une femme qui n’avait pas reçu d’instruction. La pauvreté existait chez nous depuis plusieurs générations. (…) Quand j’ai eu quatorze ans, j’ai dû prendre la mer avec mon père pour gagner ma vie, c’était très dur. Lorsque mon père mourût, j’ai dû reprendre l’affaire. Il y avait un autre pêcheur qui me dit qu’il y avait parmi les « boat people » beaucoup de Vietnamiennes emportant avec elles leurs richesses, de l’or, des bijoux. Si nous pouvions juste en profiter une seule fois, nous prendrions un peu d’or et sortirions de notre éternelle pauvreté. Étant un pauvre pêcheur sans instruction, je me suis laissé tenté et donc je l’ai accompagné pour voler les « boat people ». Lorsque je vis un pêcheur qui avait une relation sexuelle avec une femme, je fus tenté de faire pareil. J’ai regardé autour de moi, n’ai vu aucun policier, aucune menace et je me suis dit : « Essaie juste une fois ». C’est ainsi que je devins [le temps d’une méditation] un pirate violant une petite fille.

Supposons maintenant que vous êtes sur ce bateau et que vous avez un fusil. Vous me tirez dessus et je meurs. Vous ne m’aidez pas. Parce que, dans ma vie, personne ne m’a jamais aidé. Personne n’a jamais aidé mon père, ma mère. On m’a élevé comme un garçon sans instruction. Toute ma vie, j’ai joué avec des enfants délinquants. J’ai grandi comme ça, comme un pauvre pêcheur. Personne ne m’a jamais aidé, aucun politicien, aucun éducateur. C’est pourquoi je suis devenu pirate. Si vous me tirez dessus, je meurs. Cette nuit, pendant la méditation, je me suis vu en pirate, en jeune pêcheur devenant pirate. J’ai réalisé que le long de la côte thaïlandaise, cette nuit, quelques centaines de bébés sont nés et si, aujourd’hui, personne ne les aide à avoir de l’instruction, personne ne les aide à avoir une vie décente, alors parmi ces centaines de bébés, il y aura, dans vingt ans, plusieurs pirates. Quand j’ai vu ça, ma colère vis-à-vis des pirates a fondu en moi. J’ai commencé à comprendre que si j’étais né comme ce petit garçon, dans un village de pêcheurs, je serais devenu pirate. [Comprenant cela, ma] colère commença à se dissiper et au lieu de me sentir fâché contre ce pêcheur, j’éprouvai de la compassion à son égard et fis le vœu de faire ce qui était en mon pouvoir pour aider les bébés nés la nuit dernière le long de la côte thaïlandaise. Et la forme d’énergie appelée colère s’est transformée en énergie de compassion. Cela est possible grâce à la méditation. Le pardon ne saurait pas être obtenu sans cette forme de compréhension et la compréhension est le fruit du regard profond. Je l’appelle méditation. »

 

Thich Nhat Hahn, http://www.buddhaline.net/L-art-de-maitriser-une-tempete


[1] Ici : réfugiés fuyant le Vietnam dans de petites embarcations vers Hong-Kong, l’Australie ou ailleurs, après la conquête du Sud-Vietnam par le Nord-Vietnam en 1975

 Pouvez-vous définir la pleine conscience et expliquer comment nous nous interrompons tant de fois dans notre pratique ?

– Dans ma langue « pleine conscience » se dit « chánh niêm ». La pleine conscience signifie que vous êtes vraiment présent dans l’instant. Lorsque vous mangez, vous savez que vous êtes en train de manger. Lorsque vous marchez, vous savez que vous êtes en train de marcher. L’opposé de « la pleine conscience » est « l’oubli ». Vous mangez mais vous n’en savez rien, votre esprit est ailleurs. Lorsque vous ramenez votre esprit à ce qui se passe dans l’ici et le maintenant, c’est de la pleine conscience, et la pleine conscience peut vous apporter beaucoup de vie, de plaisir et de joie. Par exemple, si vous avez une orange et si vous savez comment passer du temps dans la pleine conscience avec votre orange, le plaisir que vous aurez à la manger sera un millier de fois plus grand que si vous mangez votre orange tout en pensant à d’autres choses ou en vous tracassant pour d’autres choses ou en vous laissant enfermer dans votre colère ou votre désespoir. La pleine conscience est ainsi cette énergie qui vous aide à être avec ce qui est là, quelle que ce soit cette chose. Supposons que nous entendions un bruit. Vous pouvez choisir d’utiliser le bruit comme objet de pleine conscience. « En inspirant, je sais qu’il y a beaucoup de bruit et en expirant, je souris à ce bruit ». Je sais que les personnes qui font du bruit ne sont pas toujours en paix et je ressens de la compassion pour elles, ainsi, si vous pratiquez la respiration consciente et que vous utilisez la souffrance qui est là comme objet de votre pleine conscience, vous pouvez aider l’énergie de la compréhension et de la compassion à s’éveiller en vous. Au cours d’une retraite, une femme se plaignait parce que sa compagne de chambrée ronflait et cela l’empêchait de dormir. Elle s’apprêtait à prendre son sac de couchage et à aller dans la salle de méditation lorsqu’elle se souvint soudain de mon enseignement et décida de rester et d’utiliser le bruit comme cloche de la pleine conscience pour faire naître en elle la compassion : « En inspirant, je suis consciente du ronflement, en expirant, je lui souris ». Dix minutes plus tard, elle dormait profondément. C’était merveilleux.

 

Thich Nhat Hanh, http://www.buddhaline.net/L-art-de-maitriser-une-tempete

 

« Un après-midi, Kassapa (s’adressa) au Bouddha :

– Gautama, l’autre jour vous avez parlé de la méditation sur le corps, les sentiments, les perceptions, les formations mentales et la conscience. J’ai pratiqué cette méditation et je commence à comprendre comment nos sentiments et nos perceptions influencent la qualité de notre vie. J’ai vu qu’il n’y avait aucun élément permanent dans les cinq rivières[1]. J’en suis venu à admettre que la croyance en un soi séparé est erronée mais je ne saisis pas pourquoi il faut suivre un chemin spirituel si le soi n’existe pas ? Qui est libéré alors ?

– Kassapa, acceptez-vous l’idée que la souffrance existe ?

– Oui

– Êtes-vous d’accord pour dire que la souffrance a des causes ?

– Tout à fait, Gautama.

– Kassapa, quand les causes de la souffrance sont présentes, la souffrance est présente. Quand les causes de la souffrance ont disparu, la souffrance a aussi disparu.

– Oui, je comprends cela.

– La cause de la souffrance est l’ignorance, une façon erronée de voir la réalité. Penser que ce qui est impermanent est permanent est de l’ignorance. Penser qu’il y a un soi alors qu’il n’y en a pas, c’est cela l’ignorance d’où naissent l’avidité, la colère, la peur, la jalousie et d’innombrables autres souffrances. Suivre le Chemin de la Libération consiste à pratiquer la vision profonde afin de réaliser véritablement la nature de l’impermanence, l’absence d’un soi séparé et l’interdépendance de toutes choses. Ce chemin permet de vaincre l’ignorance. Une fois celle-ci terrassée, la souffrance est transcendée. C’est la vraie libération. Il n’y a aucun besoin d’un soi pour atteindre cette libération. »

 

Thich Nhat Hanh, Sur les traces de Siddharta, POCKET, 1998, pp. 150


[1] The five skandhas are the five elements that comprise a human being. These five elements flow like a river in every one of us. In fact, these are really five rivers flowing together in us: the river of form, which means our bodies; the river of feelings; the river of perceptions; the river of mental formations; and the river of consciousness.

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