Jigmi Thiley, ancien Premier ministre du Bhoutan, a été fait docteur honoris causa de l’UCL [Université Catholique de Louvain-la-Neuve] lundi [3 février 2014] en compagnie du juriste de Harvard Lawrence Lessig et du chirurgien obstétricien congolais Denis Mukwege. Leur objectif à tous : « l’amélioration de la société de demain ».

Le Bhoutan est un petit pays himalayen de 700.000 habitants enclavé entre l’Inde, la Chine et le Tibet occupé. Indépendant depuis 1971, ce pays bouddhiste est, à l’instigation de son roi de l’époque, Jigmi Singye Wangchuck, le dépositaire d’un indice économique alternatif : le bonheur national brut (BNB), par opposition au PIB (produit intérieur brut) qui a cours dans le reste du monde. Premier chef de gouvernement démocratiquement élu (il l’a dirigé en 1998-1999, 2003-2004 et 2008-2013) formé à l’université de Pennsylvanie, Jigmi Thinley incarne depuis quatre décennies cette formule unique. Il préside d’ailleurs un comité d’experts de l’ONU sur le sujet.

«C’est une démarche holistique, explique-t-il. L’enjeu, c’est la construction d’un nouveau paradigme de développement. Il est basé sur l’idée que le développement, aujourd’hui, ne repose que sur la croissance économique et financière alors que chaque catastrophe naturelle ou non résulte de ce mauvais développement qui nous pousse à détruire la Terre. L’idée du bonheur national brut, ce n’est pas celle de votre sentiment égoïste du jour, c’est un état d’esprit global et durable reposant où l’économie est contrebalancée spirituellement, psychologiquement, dans nos relations aux autres. On a été au bout de la logique matérialiste. Chacun doit se poser la question: est-ce que je vais vraiment là où je veux aller et est-ce que j’ai ce que je veux vraiment? Belge ou Bhoutanais, vous arriverez à la même conclusion.»

A l’heure de la remise en question planétaire des indices, le modèle bhoutanais est scruté partout, le bonheur national brut a semblé être remis en question par le nouveau gouvernement de Thimphou. «C’est un malentendu. Mes successeurs ont, pour des raisons politiques, décidé de ne plus promouvoir le BNB à l’étranger mais il est tellement ancré dans les esprits bhoutanais qu’y renoncer serait suicidaire.»

Jean-Fançois Lauwens, Le Soir, mardi 4 février 2014

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