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La tentative de comprendre le système théorique de Freud, comme celui de n’importe quel penseur créatif systématique, ne peut réussir à moins de reconnaître que (…) tout système, tel qu’il est développé et présenté par son auteur est nécessairement erroné… Le penseur créatif (…) est contraint de résoudre un problème insoluble : exprimer la nouvelle pensée en concepts et en mots qui n’existent pas encore dans son langage… Avec pour conséquence que la nouvelle pensée qu’il formule allie une pensée vraiment neuve et la pensée conventionnelle qu’elle transcende. Le penseur, cependant, n’est pas conscient de cette contradiction.
Erich Fromm, cité par David R. Loy
« Selon le point de vue de Fromm, même les penseurs les plus créatifs et les plus révolutionnaires (…) restent dépendants du contexte culturel de leur temps – ce qu’implique l’insistance bouddhiste sur l’impermanence et l’interdépendance causale. Bien sûr l’écart entre Freud et Sakyamuni est flagrant, mais le parallèle n’en est pas moins révélateur. Le Bouddha lui aussi a exprimé sa vision nouvelle et libératrice de la seule façon possible pour lui, en utilisant les catégories religieuses que sa culture pouvait comprendre. Inévitablement, dès lors, son Dharma (ou sa façon de l’exprimer) conjuguait véritable nouveauté (par exemple les enseignements sur l’anatta, le « non-moi » et le patica-samuppada, l’ « origine dépendante ») et la pensée religieuse conventionnelle de son époque (karma et renaissance). Si le nouveau transcende le conventionnel, comme Fromm le souligne, il ne peut immédiatement et complètement échapper à la sagesse conventionnelle qu’il dépasse.
En soulignant les inévitables limitations de toute innovation culturelle, Fromm présuppose l’impermanence – la nature dynamique, évolutive – de tout enseignement spirituel. En révolutionnant le chemin spirituel de son époque, le Bouddha ne pouvait s’appuyer seulement sur lui-même ; pourtant, grâce à la pénétration de sa vision, ceux qui l’ont suivi ont pu prendre appui sur lui. En tant que bouddhistes, nous avons tendance à supposer que le Bouddha a tout compris, que son éveil et la façon de l’exprimer sont insurpassables, mais est-il juste envers lui de tenir ce raisonnement ? Etant donné le peu d’informations que nous possédons sur le Bouddha historique, peut-être notre image collective de ce dernier en dit-elle moins long sur sa personnalité réelle que sur notre besoin de découvrir ou de projeter un être absolument parfait pour inspirer notre propre pratique spirituelle. »
David Loy, Notes pour une révolution bouddhiste, Kunchab+, Bruxelles 2010, p. 69 s.
Les textes proposés sur le blog de Shikantaza expriment avant tout l’opinion de leurs auteurs. Les lecteurs sont invités à les examiner avec l’esprit de libre arbitre prôné par le Bouddha dans le Kalamma Sutta.